Abattement 30% (déduction forfaitaire spécifique)

Les employeurs de journalistes ont la possibilité de pratiquer un abattement de 30% sur certaines cotisations à la Sécurité sociale, salariales et patronales (à ne pas confondre avec l’allocation pour frais d’emploi) ; les cotisations en questions se calculent sur le brut abattu de 30%, elles sont donc moindres.

Lire l’arrêté du ministère de la culture, datant de 2002. 

Ce « privilège » existe aussi pour d’autres professions (ouvriers du bâtiment, VRP…). Dans tous les cas, elle est liée à l’activité professionnelle du salarié et non à l’activité générale de l’entreprise. De la même manière que, dans le BTP, elle n’est autorisée que pour les ouvriers travaillant sur les chantiers et non au personnel administratif, dans les médias, elle n’est autorisée que pour les journalistes. Pour en « bénéficier »  votre employeur est susceptible de vous demander votre carte de presse.

ATTENTION : Selon une publication du BOSS (Bulletin officiel de la Sécurité sociale) la cotisation pleine pour tous pourrait être appliquée par l’URSSAF dès 2023 et alors la question du choix de l’abattement ne se poserait plus.

RAPPEL SUR LA JUSTIFICATION DE CET ABATTEMENT : La Déduction forfaitaire spécifique (DFS) est normalement réservée aux salariés dont la totalité des frais professionnels ne sont pas couverts par l’employeur : « Pour bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique, le salarié doit faire partie de la liste des professions prévues à l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000 et supporter effectivement des frais lors de son activité professionnelle ». Normalement (ce qui n’arrive jamais dans les faits) pour appliquer la déduction forfaitaire spécifique, l’employeur doit disposer des justificatifs démontrant que le salarié bénéficiaire supporte effectivement des frais professionnels qui restent finalement à sa charge mais jusqu’à maintenant la seule appartenance à la liste des professions y ouvrant droit suffisait. Il semblerait que l’URSSAF va désormais demander les justificatifs.

Donner son accord

Cet abattement est souvent présenté comme un avantage, et les entreprises demandent aux pigistes s’ils souhaitent en « bénéficier ». En effet, la conséquence immédiate est la légère hausse du salaire net. Les entreprises, elles, sont ainsi autorisées à cotiser moins, ce qui les avantage évidemment. Mais il ne faut pas oublier que ces moindres cotisations peuvent aussi avoir pour conséquences une moindre couverture sociale. Depuis un arrêté du 20 décembre 2002, le salarié peut donc refuser que soit pratiqué cet abattement. 

L’option pour l’abattement est donc subordonnée à la consultation et à l’accord du ou des salariés ou de leurs représentants. L’employeur mettant en œuvre une déduction forfaitaire spécifique doit pouvoir justifier de l’absence de refus exprès du salarié ou de ses représentants.

Source URSSAF : La déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels n’est pas applicable de plein droit. Pour pouvoir pratiquer l’abattement, l’employeur doit au préalable disposer :

  • d’une convention ou d’un accord collectif prévoyant la pratique de cette déduction spécifique,
  • de l’accord des représentants du personnel (comité d’entreprise ou délégués du personnel).

La position d’une disposition collective ou des représentants du personnel s’impose au salarié qui ne peut s’y opposer.

A défaut d’accord collectif ou des représentants du personnel, l’employeur doit recueillir l’accord des salariés concernés, soit :

  • par mention au contrat de travail ou par voie d’avenant au contrat de travail,
  • suite à une information individuelle du salarié sur les conséquences de l’application de l’abattement sur la validation de ses droits (notamment retraite) réalisée par lettre recommandée avec accusé de réception et accompagnée d’un coupon-réponse d’accord ou de refus à retourner par le salarié.

Quelles cotisations ?

Le journaliste n’est concerné que par l’abattement sur certaines cotisations salariales (que les cotisations patronales soient abattues ou pas, cela ne se traduit pas sur son salaire net ni sur ses droits). Il ne s’agit pas de toutes les cotisations salariales, mais 4 :

  • la cotisation à la retraite de base de la sécurité sociale, mais limité au plafond de la sécu (5,52% du brut) > on l’appelle parfois « retraite sécu plafonnée »
  • la cotisation à la retraite de base de la sécurité sociale, sur tout le salaire (0,4% du brut)
  • la cotisation maladie maternité invalidité décès
  • la cotisation accidents du travail-maladies professionnelles

L’abattement ne porte pas sur les cotisations chômage, la retraite complémentaire, la formation, et n’impacte pas les remboursements de soins et médicaments… Il n’impacte pas le nombre de trimestres validés.

L’enjeu de la maladie et maternité

En cas d’arrêt maladie ou congé maternité, le calcul des indemnités journalières ne se fait, en cas d’abattement, que sur le salaire abattu de 30%. Le montant des IJ est égal à 50 % de votre salaire brut cotisé, d’où l’intérêt d’avoir un brut le plus haut possible. Mais il est plafonné à 1,8 fois le Smic mensuel, soit 2 861,04 € bruts en 2021. Même si votre salaire brut cotisé est supérieur à 2 861,04 €/mois (34.332,48€/an), votre indemnité journalière ne pourra pas excéder 47,03 € bruts. Concrètement, ça veut dire que si on applique le plafond de l’abattement susceptible d’être appliqué (7600 euros), gagner jusqu’à 34.332,48+7600= 41932,48€ brut permet de ne pas subir l’abattement au niveau du montant des IJ. Mais, conformément à la convention collective, normalement, l’employeur doit pratiquer le maintien de salaire, pendant l’arrêt maladie, pour tous les journalistes ayant la carte de presse. Donc, en théorie, compléter ces IJ. L’abattement serait donc sans incidence.

Mais, comme chacun le sait, un grand nombre d’entreprise de presse ne respectent pas ce point de la convention collective, ou ne le réservent qu’à leurs pigistes dits « réguliers » (évidemment, il est capital de tout faire l’obtenir). L’abattement ne serait donc préjudiciable, en cas d’arrêt maladie, que pour ceux dont la plupart des employeurs ne pratiquent pas le maintien de salaire.

Par ailleurs pour accéder aux IJ  il faut avoir cotisé sur un salaire d’environ 6000 euros brut au total sur 12 mois. Donc si l’abbatement risque de nous faire passer en dessous, on n’aura pas droit aux IJ.

L’enjeu de la retraite

A sa retraite, le journaliste pourra compter à la fois sur une retraite de la sécurité sociale, sur une retraite complémentaire voire aussi éventuellement sur d’autres placements de sa propre initiative. La conséquence de l’abattement ne porte que sur la retraite sécu, soit, le jour venu, une somme versée correspondant à seulement 50% de la moyenne des salaires des 25 meilleures années. Sachant que l’âge légal de départ en retraite est 62 ans, et si on suppose que les revenus augmentent au fil de la carrière, il serait donc intéressant de cotiser le plus possible à partir de 37 ans. Les années précédentes pourraient donc théoriquement être abattues sans problème.

Mais les droits acquis ne sont pas proportionnels au salaire. La sécu retient un salaire plafond (41.136€ brut / an en 2021), au-dessus duquel même si on gagne +, on cotise au maximum pour un salaire tel. 

Comment décider ?

Il existe trois revenus seuil autour desquels l’abattement peut avoir un impact sur les droits individuels :

  • le plafond retraite de la sécu (41136€) + le plafond de l’abattement (7600 €) = 48.736 € / an. Au-delà, l’abattement n’a plus d’incidence. Les plus hauts revenus ont donc tout intérêt à choisir cet abattement… d’un point de vue purement personnel !
  • le plafond du montant des IJ maladie maternité + le plafond de l’abattement (7600 €) =  41.932,48€/an)
  • le seuil d’ouverture des droits aux IJ (maladie et maternité) de la sécu (6.000€ bruts cotisés par an, tous employeurs confondus, y compris hors presse). En-deça, vous ne toucherez de toute façon pas d’IJ. Mais les 30% de l’abattement peuvent changer la donne. En clair si vous gagnez pile 6.000 euros brut, il faut renoncer à l’abattement.

Par ailleurs la solidarité nationale invite à ne pas regarder uniquement sa propre situation.

Et NOS INFOS NE SONT QU’INDICATIVES : EN REALITE ON NE PREVOIT PAS LES EFFETS DE SEUIL A L’EURO PRES, notamment car l’abattement réel n’est pas toujours de 7600 euros évidemment ! 

1/ pigistes dont les employeurs ne pratiquent pas le maintien de salaire en cas d’arrêt maladie

L’abattement réduit l’indemnisation en cas d’arrêt maladie  et maternité (seulement IJ sécu).

Potentiel impact sur la retraite sécurité sociale (pas d’impact sur la retraite complémentaire, qui est la même pour tout le monde)

L’enjeu est double : retraite, sécu, arrêt maladie 

2/ pigistes dont les employeurs pratiquent le maintien de salaire en cas d’arrêt maladie

L’abattement n’impacte pas le salaire en cas maladie/maternité (IJ sécu+complément employeur)

Tout se joue sur la retraite sécurité sociale (pas d’impact sur la retraite complémentaire, qui est la même pour tout le monde)

 je suis dans une de mes 25 meilleures annéesje ne suis pas dans une de mes 25 meilleures années
je gagne > 48.124€ brut annuels tous employeurs confondusABATTEMENT POSSIBLE car même en appliquant l’abattement je suis au-dessus du plafond de la sécurité sociale : je n’y perds ni pour ma retraite ni pour les IJ maladieABATTEMENT POSSIBLE car ça ne compte pas pour le calcul de ma retraite, donc autant gagner plus en net

je gagne entre 6000 et 48.736 euros brut annuels tous employeurs confondus

CA SE DISCUTE :  ça réduit ma retraite mais pas mes indemnités maladie et maternité (maintien de salaire par l’employeur) et mon net est plus élevé

ABATTEMENT POSSIBLE car ça ne compte pas pour le calcul de ma retraite et mon employeur maintient mon salaire en cas d’arrêt donc autant gagner plus en net
je suis ric rac pour atteindre les 6.000€ brut annuelsABATTEMENT EXCLU car mes droits à IJ s’ouvrent à partir de 6.000€ brut cotisés sur les 12 derniers mois, donc il faut cotiser au maximumABATTEMENT EXCLU car mes droits à IJ s’ouvrent à partir de 6.000€ brut cotisés sur les 12 derniers mois, donc il faut cotiser au maximum 

Encore une fois, il s’agit d’un tableau « objectif » sur les arbitrages individuels, mais penser collectif peut amener à renoncer l’abattement.

Les questions à se poser

  • Suis-je susceptible d’être en arrêt maladie ? (Malheureusement, personne n’est médium !)
  • Suis-je prêt à prendre un risque sur mes futurs droits, car j’ai besoin de gagner plus aujourd’hui (ce qui est aussi légitime)
  • Suis-je capable de prédire ce que je gagnerai dans les 12 mois à venir ? On peut choisir l’abattement en se disant que de toute façon on gagnera largement assez pour ne pas subir de décote, mais finalement perdre un employeur, subir le Covid… Or l’abattement porte sur les revenus des mois à venir.
  • Suis-je dans une des 25 années les mieux payées de ma vie ?

ATTENTION ce n’est pas forcément en milieu-fin de carrière, surtout pour les pigistes, dont les revenus font souvent le yoyo ! Les années « enfant en bas âge » notamment, obligent souvent à moins travailler et donc gagner moins. L’avenir très incertain de la presse ne permet pas non plus de savoir de quoi l’avenir, et notamment l’avenir de la pige, sera fait. Il peut être plus favorable comme plus défavorable.

  • Suis-je prêt à cotiser plus, même si je n’y gagne pas personnellement, mais pour contribuer à la solidarité nationale ?

En cas de doute, toujours renoncer à l’abattement.

Attention, ne pas confondre l’abattement sur l’assiette de cotisation (l’objet de cet article) et le taux réduit de cotisations accordé aux journalistes.