Pigiste : un seul statut, salarié

Ce que dit la règlementation

  • Règle 1 : Un journaliste ne peut légalement être payé qu’en salaire. Tout autre mode de rémunération est une fraude à l’Urssaf de la part de l’employeur.
  • Règle 2 : Qui touche des salaires est un salarié. Son employeur a des devoirs envers lui. Il cotise et a des droits. 
  • Règle 3 : Un pigiste est un journaliste. Relire les règles 1 et 2.
  • Règle 4 : La pige n’est qu’un mode de rémunération : en quelque sorte, à la mission. Ce n’est pas un statut à part. Un journaliste pigiste est un salarié. Relire enocre les règle 1 et 2.
  • Règle 5 : Un pigiste n’a pas à fournir de facture ou de relevé d’honoraires. Il n’est pas un prestataire extérieur ou un fournisseur. Il reçoit des fiches de paie, comme n’importe quel salarié. Lire, relire et relire encore ces règles d’or :

Pourquoi il est très important d’être considéré comme un salarié

  • Le salarié a droit aux congés payés et à tous les avantages prévus dans la convention collective (13° mois, etc…)
  • En cas de rupture du contrat de travail par l’employeur, le salarié a droit à un préavis, une indemnité de licenciement (voir plus loin), et il peut toucher les allocations de chômage.
  • La retraite, la couverture en cas de maladie, d’accident ou d’invalidité sont mieux assurées.
  • En cas de conflit avec l’employeur (par exemple en cas de licenciement irrégulier), le salarié peut s’adresser à l’inspection du travail, aux prud’hommes, pour faire reconnaître ses droits. En cas de liquidation de l’entreprise, il bénéficie du « fonds de garantie des salaires », etc.
  • Un journaliste salarié n’a pas de difficulté à obtenir sa carte de presse (pour autant que son revenu lié à son activité journalistique est suffisant, régulier et majoritaire). A la différence d’un journaliste rémunéré en droits d’auteur, en honoraires, ou comme auto-entrepreneur ou intermittent du spectacle 
  • Un journaliste salarié peut avoir la carte de presse et donc accès aux avantages de la convention collective des journalistes.

Vous voulez des preuves ?

Preuve n°1

La relation entre un employeur et un salarié s’appelle « contrat de travail ». Ce contrat existe, même si rien n’a été conclu par écrit, dès lors qu’il y a :

  • un travail commandé par un employeur (ou son représentant),
  • travail effectué en lien de subordination.

Ainsi, quand un média commande une production, quelle qu’elle soit (article, dessin,  photo, reportage audio, web, etc) à quelqu’un qui doit le réaliser selon ses directives et à une date fixée, il y a bien un contrat de travail ; donc le travailleur en question est bien un salarié.

Preuve n°2

Le journaliste pigiste professionnel n’a même pas besoin de prouver qu’il y a bien le « lien de subordination ». En effet, la « loi Cressard » (loi du 4 juillet 1974 insérée à l’article L7112-1 du Code du travail) dispose sans ambiguïté « Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure moyennant rémunération le concours d’un journaliste professionnel  est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties. »

De nombreuses jurisprudences ont confirmé cette présomption : Cass.soc 12 mai 1998, Ouest France c/G.Jaffre ; Cass.soc 5 janvier 2000, Publications commerciales c/Hoareau ; Cass.soc 12 mars 2008, Hachette Filipacchi associés c/X ; Cass.soc 17 octobre 2012 Prisma Presse c/ Mme X.La loi dit bien « quels que soient le mode et le montant de la rémunération ».

EN mai 2018, encore, Mondadori a été condamné par la Cour de Cassation pour avoir rémunéré un journaliste en tant que auto-entrepreneur, pour Biba. 

Donc le paiement en salaire est un dû, dès le 1er € perçu, pour un travail journalistique, même si le journaliste en question ne l’est pas pour la majorité de ses revenus.

Preuve n°3

Encore besoin d’une confirmation ? La loi qui crée en France le statut de journaliste professionnel, dite « loi Brachard », du 29 mars 1935, alinéa 1 de l’article L. 7111-3 du code du travail, indique que le journaliste professionnel est « celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques et dans une ou plusieurs agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ». Depuis 2009, l’article L7111-5 ajoute les « entreprises de communication au public par voie électronique ». Un pigiste qui remplit ces conditions est un journaliste professionnel. Or un journaliste professionnel est forcément en relation de contrat de travail avec son employeur, donc salarié. L’idée du législateur, Emile Brachard, était de sécuriser l’exercice du métier. Le journaliste ne devait plus risquer « d’opposer son gagne pain à son gagne conscience ». Bref, de risquer de déplaire au point de perdre son emploi. C’est pourquoi la même loi prévoit une commission arbitrale, pour gérer les conflits, ainsi que la clause de cession et la clause de conscience (reprises dans la convention collective).