L’arrêt maladie

EN BREF. Les journalistes rémunérés à la pige ont droit comme tous les salariés à percevoir un revenu de remplacement quand leur médecin leur prescrit un arrêt maladie. Seuls ceux qui ont très peu cotisé (ceux qui ont gagné en tout, piges et hors piges, du moment que c’est du salaire, moins de 594€/mois en moyenne) n’y ont pas droit. La moitié du revenu de remplacement est versé par la Sécurité sociale (les indemnités journalières) et l’autre moitié par vos employeurs habituels (chacun à hauteur du volume de piges chez cet employeur).

Beaucoup de pigistes, comme ils sont multiemployeurs, avec une activité en dents de scie, et sans engagement de travailler à telle ou telle période, ne comprennent pas bien la philosophie de l’arrêt maladie les concernant et ont tendance à ne pas demander leurs IJ. Il faut bien comprendre que :

  • ce droit existe quelle que soit l’activité que vous aviez prévue à cette période là : travailler ou pas, et quel que soit l’employeur. Il ne s’agit pas de remplacer une activité précise. 
  • le montant du revenu de remplacement n’est pas corrélé à ce que vous auriez gagné avec les piges que vous auriez réalisées à cette période précise si vous aviez travaillé : il est calculé en fonction d’un revenu moyen que vous avez l’habitude de gagner pour une telle durée.
  • vous serez en arrêt auprès de tous vos employeurs de piges. C’est un système de « pot commun » : tous ont cotisé pour votre risque maladie, alors la Sécurité sociale va vous indemniser à hauteur de ces cotisations déjà versées, y compris pour des « petites » piges : toutes les cotisations comptent.

En cas d’arrêt de travail long (plus de 45 jours) ou avec hospitalisation de plus de 8 jours, vous avez également droit, sous conditions, aux indemnités complémentaires versées par Audiens au titre de la prévoyance. Tous les pigistes cotisent pour cela à Audiens, sans même le savoir : c’est une obligation. Ce droit est ouvert à 100% dès qu’un employeur a cotisé à cette prévoyance au moins une fois dans les 12 derniers mois (et cela n’a rien à voir avec la mutuelle Audiens qui elle nécessite une adhésion volontaire du pigiste).

Maintenant, faisons un peu de maths !

I- AVEZ-VOUS ASSEZ COTISE POUR AVOIR DROIT AUX INDEMNITES JOURNALIERES (IJ) DE LA SECURITE SOCIALE ?

C’est votre CPAM qui va vérifier si vous avez assez cotisé pour avoir droit à un arrêt maladie.

SI VOTRE CPAM NE CONNAIT PAS BIEN LES PIGISTES ELLE VA SUREMENT VOUS APPLIQUER LES REGLES « NORMALES » ET CE N’EST PAS GRAVE SI VOS REVENUS SUFFISENT.

  •  La CPAM examine d’abord si vous remplissez les conditions de droit commun qui concernent les salariés à la rémunération régulière : avoir travaillé au moins 150 h au cours des 3 mois qui précèdent votre arrêt (pour un arrêt d’une durée prévue de moins de 6 mois). On parle bien d’heures, or les pigistes ne sont pas rémunérés à l’heure. Il existe alors une alternative en euros, mais sur les 6 derniers mois : avoir cotisé sur un salaire au moins égal à 1015 fois le montant du Smic horaire au cours des 6 derniers mois (12058,20€).
  • Si ça ne marche pas, la CPAM regarde si vous remplissez les conditions des professions discontinues (celles dont la rémunération est variable, comme les saisonniers, ce qui explique la prise en compte de revenus sur une période plus large) : avoir travaillé au moins 600 heures au cours des 12 mois OU avoir cotisé sur un salaire au moins égal à 2030 fois le montant du Smic horaire au cours des 12 mois (24 116,40 €).

SI CES REGLES « NORMALES » NE VOUS PERMETTENT PAS D’OUVRIR DES DROITS IL FAUT BIEN VOUS ASSURER QUE VOTRE CPAM VOUS APPLIQUE UN MODE DE CALCUL SPECIAL PIGISTES :

Ce mode de calcul existe depuis l’arrêté du 19 octobre 2020. Il reprend les mêmes exigences en heures travaillées mais instaure une conversion en euros. Par convention, il est établi qu’un pigiste a travaillé une heure quand il a gagné l’équivalent du SMIC horaire. Cette fois-ci l’alternative est un calcul sur les -revenus des 3 ou des 12 derniers mois. 

Les conditions d’ouverture des droits des pigistes depuis le 31/10/2020 (arrêté du 19 octobre 2020, J.O. du 30)

  Calcul sur les 3 derniers mois Calcul sur les 12 derniers mois
Arrêt de travail inférieur à 6 mois Justifier d’une rémunération d’au moins 150 fois le Smic horaire brut au cours des 3 mois ou 90 jours précédant l’arrêt de travail (150*11,88=1782€) Justifier d’une rémunération d’au moins 600 fois le Smic horaire brut au cours de 12 mois civils ou de 365 jours consécutifs précédant l’interruption de travail (600*11,88=7128€)
Arrêt de travail supérieur à 6 mois Justifier d’une rémunération d’au moins 600 fois le Smic horaire brut au cours des 12 mois civils ou des 365 jours précédant l’interruption de travail ;ET justifier d’une durée d’affiliation de 12 mois(600*11,88=7128€)

Sources : Article R.313-1 et suivants du code de la Sécurité sociale et arrêté du 19 octobre 2020, J.O. du 30

Dans tous les cas, 7128€/an ou 1782€ pour 3 mois, cela fait une moyenne de 594€/mois en 2024.

Précisions sur les revenus à prendre en compte

  • Pour un pigiste en arrêt de travail à compter du 1er septembre 2024 peuvent  être pris en compte soit les salaires perçus de juin à août 2024 OU de septembre 2023 à août 2024.
  • Il faut appliquer le montant du SMIC horaire en date de l’arrêt de travail.
  • Comme précisé dans la circulaire n°DSS/SD2/2015/179 du 26 mai 2015, le mécanisme dit de la paie décalée consistant à verser le mois suivant la paie correspondant à la période d’emploi du mois écoulé (par exemple, paiement en mai 2015 de la période d’emploi d’avril 2015) est sans effet sur la période de référence prise en compte pour le calcul de l’indemnité journalière. Ainsi, quelle que soit leur date de versement effectif, les paies prises en compte sont celles des mois civils antérieurs à la date d’interruption de travail.
  • Ce n’est pas parce que vous êtes pigiste que vos revenus hors piges ne sont pas pris en compte : si vous donnez des cours payés à l’heure par exemple, ajoutez les, en euros.
  • Et si je touche du chômage ?  L’ARE n’est pas prise en compte dans les revenus cotisés. Mais si vous gagniez plus au moment de la rupture de contrat de travail qui vous a donné droit à l’ARE (et donc par exemple que vous pouviez à cette date vous ouvrir des droits maladie, maternité, etc, mais plus maintenant) vous pouvez demander au maintien de droits acquis aux prestations en espèces avant le chômage (L. 311-5 du CSS). Après la fin du versement de l’ARE, en cas de reprise de travail insuffisante pour vous rouvrir des droits au titre de votre nouvelle activité, vous pouvez aussi conserver le bénéfice de ces prestations durant trois mois à compter de cette reprise.
  • Si vous êtes ric-rac pour franchir le seuil d’ouverture des droits, vous pouvez faire prendre en compte des journées non travaillées : est considéré comme 6 heures ou 6 fois le montant du SMIC horaire : chaque journée indemnisée au titre de la maladie, de la maternité, de la paternité, de l’invalidité,  de la maternité, chaque journée de stage effectuée dans un établissement de rééducation, chaque journée de détention provisoire. Chaque journée de congé parental compte elle pour 4 heures.

ATTENTION : il faut bien prendre le salaire cotisé et pas le salaire gagné. Si vous avez opté pour l’abattement (la DFS) il convient de prendre en compte le brut abattu, qui figure sur votre fiche de paie.

II. QUELLES DEMARCHES EFFECTUER ?

1-Les démarches à accomplir dans les 48 heures après la date de votre arrêt de travail

Deux cas de figure :

  • Votre médecin a établi la prescription d’arrêt de travail en ligne : vous devez adresser à chacun de vos employeurs l’exemplaire imprimé remis par le médecin dans un délai de 48 heures suivant la date de votre arrêt de travail (Ce délai reste le même quelle que soit la durée de l’arrêt de travail prescrit).
  • Votre médecin a établi la prescription d’arrêt de travail sur un formulaire papier : vous devez adresser les volets 1 et 2 du formulaire à votre caisse primaire d’assurance maladie et le volet 3 du formulaire à vos employeurs, dans un délai de 48 heures suivant la date de votre arrêt de travail (Ce délai reste le même quelle que soit la durée de l’arrêt de travail prescrit). Vous pouvez le transmettre à vos employeurs par mail après l’avoir scanné ou faire des photocopies.

Dans les deux cas, demandez à chacun de vos employeurs qu’il vous transmette directement l’attestation de salaire. Il s’agit du justificatif de vos rémunérations. Cette dernière servira au paiement des indemnités journalières.

2-Les démarches à accomplir après réception des attestations de salaires

Il vous revient d’envoyer les originaux des attestations de salaires à votre caisse primaire d’assurance maladie, accompagnées de la copie de vos fiches de paie des 12 derniers mois. Joignez un courrier expliquant votre situation de journaliste professionnel rémunéré à la pige et votre droit à bénéficier des conditions fixées par l’arrêté du 19 octobre 2020. Précisez aussi qu’il est possible que vous receviez des salaires pendant l’arrêt de travail, du fait du délai de paiement souvent long, attendant la parution. Et dites bien qu’en aucun cas il ne s’agit de rémunération de travaux effectués pendant l’arrêt de travail (dans tous les cas le calcul de vos IJ portera seulement sur les fiches de paie antérieures à l’arrêt de travail).

III. COMBIEN ALLEZ-VOUS TOUCHER ?

L’IJ est égale à 50 % du montant du salaire journalier de base.

Ce dernier est calculé sur la moyenne des salaires soumis à cotisation des derniers mois :

  • soit des 3 mois précédant l’arrêt de travail
  • soit des 12 mois (il faut pour cela expliquer que vous êtes une profession discontinue et que vous bénéficiez des conditions dérogatoires. Une circulaire de 2013 nomme les pigistes comme bénéficiaires )

Cela, dans la limite de 1,8 fois le Smic mensuel en vigueur. Cela signifie que le mois où le pigiste gagne plus de 1,8 SMIC (3243,24 € brut), tout ce qui dépasse ne compte pas dans le calcul et son IJ sera calculée seulement sur 1,8 SMIC. C’est particulièrement injuste pour les pigistes dont les versements de salaire sont irréguliers : ils peuvent avoir de « gros » mois et juste après de tout petits, or les gros seront « rabotés ». On ne peut hélas pas calculer ce plafonnement à l’année.

Par ailleurs les IJ ne peuvent pas dépasser 52,28 € brut/jour.

En pratique, il faut prendre en compte le brut avec congés payés et le cas échéant 13e mois et ancienneté. Si vous avez opté de fait pour l’abattement (la DFS) et que vous cotisez donc moins, il convient de prendre en compte le brut abattu (colonne « base » en face de la ligne maladie maternité de votre fiche de paie).

Attention l’indemnité versée est soumise à la CSG (contribution sociale généralisée) au taux de 6,2 % et à la CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale) au taux de 0,5 %.

IV. QUAND PERCEVREZ-VOUS LES IJ ?

Vous les percevrez à compter du 4e jour d’arrêt de travail, après un délai de carence, fixé à trois jours par le Code de la Sécurité sociale, sauf exceptions. Cela ne veut pas dire que vous recevrez les IJ sur votre compte le 4è jour mais que les jours indemnisés commenceront au 4è jour (les trois 1ers jours ne sont pas indemnisés), mais le paiement peut arriver bien après. Les versements sont tous les 14 jours.

A noter : vos employeurs peuvent demander la subrogation à la sécurité sociale : ils touchent les IJ de la CPAM et vous les versent en y ajoutant leur part.

V-LE MAINTIEN DU SALAIRE PAR L’EMPLOYEUR

La convention collective nationale de travail des journalistes (article 36) prévoit, sous conditions, un maintien de salaire pendant l’arrêt maladie des journalistes, y compris ceux rémunérés à la pige. « Maintien » signifie que les journalistes doivent toucher autant en arrêt que quand ils ne l’étaient pas : comme la Sécurité sociale ne verse que 50% du salaire, l’employeur doit verser le solde pour atteindre 100%. Pour les pigistes, concrètement c’est donc à chaque employeur de compléter « sa part ».

Quelles sont les conditions à respecter pour que l’employeur complète les IJ ?

  • L’arrêt maladie doit être pris en charge par la sécurité sociale (si vous n’atteignez pas les conditions d’ouverture des droits ou que vous n’avez pas déclaré votre arrêt à votre CPAM, vous ne pourrez pas non plus avoir la part employeur)
  • Vous devez justifier votre arrêt par un certificat médical ;
  • Vous devez avoir au moins 6 mois de présence dans l’entreprise (les pigistes ayant pigé seulement ponctuellement chez un employeur ne peuvent pas lui réclamer de complément)

Quels sont le montant et la durée du maintien de salaire ?

Les employeurs maintiennent votre salaire dès le 1er jour d’arrêt (pas de délai de carence).

Montant du maintien du salaire et de sa durée selon l’ancienneté du salarié

Ancienneté du salarié Maintien du salaire à 100 % pendant… Puis maintien du salaire à 50 % pendant…
Entre 6 mois et 1 an 2 mois 2 mois
Entre 1 an et 5 ans 3 mois 3 mois
Entre 5 ans et 10 ans 4 mois 4 mois
Entre 10 ans et 15 ans 5 mois 5 mois
Supérieure à 15 ans 6 mois 6 mois
  • A noter : si plusieurs congés maladie sont accordés au cours d’une période de 12 mois consécutifs :
  • pour le journaliste professionnel ayant moins de 5 ans de présence, la durée totale d’indemnisation ne peut pas dépasser celle prévue ci-dessus ;
  • pour le journaliste professionnel ayant au moins 5 ans de présence, si la durée d’indemnisation prévue ci-dessus est épuisée, il a à nouveau droit au maintien de salaire dès lors que la durée de la reprise du travail aura été au moins égale à la durée de la période d’absence précédemment indemnisée.

Si l’employeur ne reçoit pas les IJ de la Sécu il faut faire parvenir à chaque employeur un relevé des IJ touchées pour sa part à lui (la sécurité sociale peut fournir le détail par numéro de siret (par employeur) du calcul de l’IJ), et il doit verser le complément.

VI-LES INDEMNITES COMPLEMENTAIRES VERSEES AU TITRE DE LA PREVOYANCE PAR AUDIENS

Audiens est un organisme de protection sociale choisi par les partenaires sociaux (représentants des salariés et des employeurs) qui représentent les pigistes pour recevoir les cotisations des employeurs et gérer l’attribution d’un revenu complémentaire à l’arrêt maladie versé par la Sécurité Sociale. Ce revenu complémentaire que l’on appelle « prévoyance incapacité temporaire de travail » vise à compenser la baisse des revenus pour les arrêts longs et le fait que les pigistes peinent à obtenir le complément de tous leurs employeurs. En revanche, il n’est pas attribué dès le 1er jour et ne peut pas représenter la totalité de la part employeur. Donc cela ne se substitue pas aux devoirs des employeurs.

Qui peut en bénéficier ? Tout journaliste rémunéré à la pige dès lors qu’une entreprise a cotisé pour lui au moins une fois au titre du régime de prévoyance au cours des 12 mois civils précédant l’arrêt de travail. Le pigiste ne doit pas avoir souscrit un contrat à Audiens. Ce droit est automatique pour tous les pigistes sans qu’ils n’aient rien à faire.

Quel est le montant des indemnités complémentaires ? Il est égal à 30 % du traitement de base, c’est-à-dire de la totalité des piges brutes retenues comme assiette de cotisations au cours des 12 mois précédant la dernière pige perçue avant l’arrêt de travail.

Quand les percevrez-vous ? A partir du 46ème jour d’arrêt (les 45 premiers jours ne seront pas indemnisés par Audiens). près 45 jours continus réduits à 8 jours en cas d’hospitalisation de plus de 8 jours. C’est le délai de carence !

Quelle démarche effectuer ? C’est à vous de les demander en contactant le service prestations prévoyance d’Audiens au 0 173 173 921.

A noter : si vos employeurs ont maintenu votre salaire, il leur revient de demander que cette indemnité complémentaire leur soit versée.

VII. UN EXEMPLE POUR BIEN COMPRENDRE

Carole a perçu 1 880€ sur 3 mois : 980€ chez l’employeur A, 480€ chez l’employeur B et 420€ chez l’employeur C.

Cela dépasse 150*Smic horaire (1782€) donc c’est bon, elle a droit à un arrêt maladie. Si elle avait été ric rac elle aurait pu faire le calcul sur les 12 derniers mois.

La sécu lui verse 10,4€ d’IJ/jour (1 880€ divisé par 90 jours divisé par2) dont :

  • 5,44€ (980/90/2) au titre des salaires perçus chez l’employeur A
  • 2.67€ (480/90/2) chez l’employeur B
  • 2.33€ (420/90/2) chez l’employeur C.

Elle a plus de 6 mois d’ancienneté chez chacun de ses employeurs et peut donc demander le complément à chacun d’eux, c’est-à-dire le même montant.

  • l’employeur A doit lui verser 5,44€ par jour d’arrêt (soit 163,35€/mois).
  • l’employeur B doit lui verser 2.67€ par jour d’arrêt (soit 80,10€/mois).
  • l’employeur C doit lui verser 2.33€ par jour d’arrêt (soit 69,90€/mois).

Son arrêt n’est que d’un mois donc elle n’a pas droit à la prévoyance Audiens.

Télécharger notre fiche sur les conditions d’ouverture des droits