Les autres statuts (à refuser)

Cela ne devrait pas exister, mais la réalité, c’est celle-là. De plus en plus de médias ne payent pas en salaire.

Dans une étude de 2013 de la Scam, à laquelle ont répondu un peu plus de 3000 journalistes (tous statuts confondus, y compris CDI), 62% des répondants ont déclaré être salariés permanents, 28% salariés pigistes, 6% auto-entrepreneurs, 6% travailleurs indépendants, 6% auteurs et 3% intermittents. 12% d’entre eux ont ainsi déclaré plusieurs situations sociales et fiscales. Ainsi un pigiste sur cinq est aussi travailleur indépendant et un pigiste sur huit est également auteur.

Nous vous expliquons ici à quoi correspondent ces statuts et pourquoi ils ne correspondent pas à la rémunération d’un travail journalistique. Bien-sûr, certains de ces statuts sont parfaitement légaux voire adéquats pour d’autres activités, que vous pouvez exercer paralèlement au journalisme. Mais ils ne doivent pas dépasser 50% de vos revenus, si vous tenez à votre carte de presse.

INDEX


Droits d’auteur (Agessa)

Qu’est-ce que l’Agessa ?

Journalises, beaucoup d’employeurs vont essayer de vous fourguer à ce qu’on appelle l’Agessa. Cela veut dire Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs. L’Agessa a été créée après le vote de la loi de 1975 pour faire bénéficier les auteurs et artistes de la Sécurité sociale : elle collecte les cotisations pour ces personnes. En savoir +

Donc, 1ere info : quand on parle de droits d’auteur, la rémunération est soumise à cotisations sociales. Si vous recevez juste une somme sans cotisation, et que l’on vous dit que c’est du droit d’auteur, en fait c’est du travail au noir.

Attention, cotisations sociales ne signifie pas salariat, et celles des Agessa sont bien moindres, mais aussi beaucoup moins avantageuses que le réfime général de la sécurté sociale. Donc si on essaie de vous embrouiller l’esprit, en vous disant que pas de problème, avec les Agessa, vous êtes salarié, c’est un abus de langage ! Il faut parler de droits d’auteur, pas de salaire.

A savoir – Comme le rappelle l’URSSAF, l’Agessa n’est pas une caisse de Sécurité sociale. Elle sert de passerelle entre les auteurs et les Cpam pour déterminer les conditions d’affiliation au régime de Sécurité sociale des artistes auteurs et faire bénéficier les auteurs affiliés des prestations sociales et de la carte vitale. L’Agessa ne verse aucune prestation. Ce rôle reste dévolu à l’ensemble des caisses concernées (Cpam, Caf, Carsat). L’Agessa recouvre pour le compte de la Sécurité sociale les cotisations et contributions dues sur les rémunérations artistiques.

2e info, et peut-être la principale, en termes de droit : les droits d’auteur, pour les journalistes, sont destinés à reconnaître… des droits d’auteur. Et donc, à faire en sorte que vous touchiez une rémunération si votre travail (article, photo, reportage audio, etc) est à nouveau publié ou diffusé.

Le paiement en droits d’auteur d’une première publication ou diffusion est interdite par la loi, tout simplement. C’est le salaire qui s’impose.

A noter : Pour les artistes auteurs d’œuvres graphiques et plastiques, c’est la Maison des artistes qui gère le régime de Sécurité sociale.

Seulement pour les artistes auteurs

Le dernier « a » de Agessa est pour « auteur ». L’Agessa est réservée, sauf pour les droits de reproduction, aux artistes auteurs.

Déjà, c’est là qu’il faut tiquer : un journaliste, aussi brillant soit-il, n’est ni un auteur, ni artiste, même si la notion d’auteur est aussi employée pour les productions journalistiques, dans le cadre des droits de reproduction, et même si nos papiers, sons, images sons parfois comparables à des oeuvres d’art !!! Dire que les Agessa ne sont pas pour nous n’est ni du corporatisme ou de la fausse modestie. C’est juste le rappel de la loi. Même les Agessa, dans leur note « Les activités littéraires et artistiques exercées dans la presse » le rappellent. Les entreprises de presse ne respectant pas ces règles s’exposent à un redressement de l’URSSAF.

Les journalistes payés en droits d’auteur sortent de la convention collective. Donc, pas de congés payés, pas de treizième mois, aucun des droits de la convention collective. Par ailleur, comme vous n’êtes pas salarié, on peut cesser du jour au lendemain de vous donner du travail sans rien vous devoir. Et, pour ce qui concerne la couverture sociale, vous serez remboursé des frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation, mais vous n’aurez droit à aucune indemnité journalière en cas d’arrêt de travail prolongé, et le plus souvent à aucune retraite. Pour les patrons de presse, les Agessa, c’est donc un « truc » génial. Ca ne leur coûte pas cher et, c’est vous, pigiste, qui trinquerez.

Qu’est-ce qu’un auteur ?

Ils sont auteurs d’une oeuvre de l’esprit, réalisée théoriquement sans lien de subordination. La Scam explique bien ce qu’est une oeuvre : http://www.dailymotion.com/video/x6v7o8_questce-quune-oeuvrey_creation

Il n’existe pas, en droit social, de définition précise de la notion d’auteur.

Article R .382-2 du Code de la sécurité sociale : les auteurs « de livres, brochures et autres écrits littéraires » sont affiliés au régime des artistes auteurs.

Articles L.112-2 et L.112-3 du Code de la propriété intellectuelle : la qualité d’auteur est réservée aux personnes ayant créé en toute indépendance, une œuvre de l’esprit (au sens des articles L.112-2 et L.112-3) et qui perçoivent une rémunération dénommée « droit d’auteur », en contrepartie de l’autorisation donnée à un tiers de diffuser ou d’exploiter commercialement l’œuvre créée. Indépendance, donc pas de contrat de travail.

A quoi donne droit l’immatriculation à I’AGESSA ?

Même si on vous dit que vous êtes payé en Agessa, ça ne veut pas dire que cela vous ouvre des droits.

Préciser : Pour relever de ce régime (pour toucher des prestations au titre de ce régime), il faut s’y inscrire, en apportant des pièces justificatives qu’apprécie la Caisse primaire d’assurance maladie, seule compétente.

Sous Agessa, la couverture des risques est assurée par des cotisations :

  • Sécurité sociale (1,1% du montant brut HT)
  • CSG (7.5% x 98.25% x montant brut HT)
  • CRDS (0.5% x 98.25% x montant brut HT)
  • Contribution auteur formation professionnelle (0.35% x montant brut HT)

Une autre cotisation de 6,90 % pour l’assurance vieillesse, assise sur les revenus des auteurs dans la limite du plafond de la Sécurité Sociale.

En cas de maladie, accident ou maternité, au remboursement au taux habituel des frais médicaux, pharmaceutique et hospitaliers, mais pas à des indemnités journalières. Pour la retraite, vous ne pourrez la toucher que proportionnellement aux cotisations, et uniquement la pension Sécurité Sociale (pas de retraite complémentaire).

C’est l’intérêt de votre employeur de vous immatriculer à I’AGESSA : 1,10% de part patronale seulement!! Mais ce n’est pas du tout votre intérêt.

L’AGESSA doit théoriquement s’assurer auprès de l’auteur de sa situation. En fait, elle ne le fait pas toujours. Nous avons constaté qu’elle fonctionne mal.

A noter : les Agessa sont réservés aux artistes auteurs résidant fiscalement en France. Ce n’est donc pas une solution pour les pigistes à l’étranger résidant fiscaement à l’étranger.

Contre ce racket, voici la riposte

Ecrivez à votre employeur pour exiger de bénéficier du régime général des salariés.

Si l’employeur refuse, alertez l’organisme chargé du recouvrement des cotisations, l’URSSAF, qui enverra un contrôleur et qui pourra engager une procédure.

Si vous craignez de vous « griller » auprès de l’employeur et de perdre votre pige au cas où vous protesteriez, vous pouvez faire intervenir le syndicat en restant dans l’anonymat. Les référents pigistes de la CFDT-Journalistes se chargeront eux-mêmes d’alerter I’URSSAF au sujet de l’entreprise en question, mais sans citer votre nom.


Autoentrepreneur / indépendant / honoraires / factures

Les vocables diffèrent selon les interlocuteurs, mais c’est la même réalité : vous êtes indépendant, on vous envoie un chèque, à vous de prendre en charge votre protection sociale. Et cela vous exclut du champ du journalisme tel que le prévoit la loi. Et ça vous exclut aussi du champ des salariés, ce qui protège…

Si on vous dit que l’on vous paye en facture, c’est que vous avez édité une facture (ok, c’est évident, mais pas pou tout le monde). Une facture n’est pas un vague papier comme vous éditeriez une note de pige à l’agent amdinistratif d’une entreprise de presse afin qu’elle procède au paiement des piges. Vous êtes le fournisseur, le média est le client. Seule une entreprise, dûment enregistrée comme telle au registre du commerce et des sociétés, peut établir des factures. Elle doit avoir un n`° de Siret. Il faut donc avoir créé son entreprise. On va vous dire, souvent dans l’urgence, de créer votre autoentreprise. En effet, les démarches sont très simples. Mais gare ! SI on vous presse, c’est là qu’il faut être vigilant. Posez vous la question : suis-je sufisamment informé sur les conquénces ? Suis-je prêt à déclarer mes revenus tous les trimestres à l’Urssaf et dans le cas contraire, m’exposer à un redressement ? Sans compter que votre percepteur risque de vous faire des ennuis, par exemple de vouloir que vous déclariez votre appartement comme local professionnel ! Certains pigistes ont déjà connu ce genre de mésaventure.

Un particulier n’a pas le droit d’éditer une facture. Contrairement à ce que l’on entend souvent, il n’existe aucun montant autorisé, aucune tolérance de l’Urssaf à ce sujet. Etre payé par un chèque, sans fiche de paye et sans que l’on soit une entreprise, remplissant ses obligations de déclarations, c’est du travail au noir. Si on ne cherche pas à savoir si vous avez vraiment une entreprise, c’est donc doubleme,t coupable de la part du commanditaire.

Un indépendant

Créer son autoentreprise fait de vous un « travailleur indépendant ». Vous ne pouvez bénéficier du droit du travail, notamment en matière de licenciement. Et cela vous prive de certains droits sociaux, et bien sûr de toutes les garanties en matière de prévoyance, de complémentaire-santé, de licenciement, de recours aux prudhommes. Cette relation de fournisseur et non de salarié vous liera les mains, puisqu’il sera plus difficile de dire non si on vous menace de couper les commandes…

Le travailleur indépendant est celui qui s’engage auprès d’un tiers à exécuter un travail déterminé, moyennant un prix convenu et en dehors de tout lien de subordination.Il doit, comme son nom l’indique, jouir d’une grande indépendance, ne pas recevoir d’instruction au cours de la rédaction de son article. Evidemment, un indépendant, au regard de la loi, n’utilise pas le matériel du client et exercer en dehors de ses locaux. Même si, en tant que pigiste, vous vous organisez comme vous l’entendez, que vous avez le sentiment d’être libre dans k’exécution de votre travail, vous n’êtes pas un travailleur indépendant !

Cotiser par soi-même

En terme de droits, c’est encore pire qu’avec le truc de l’Agessa : car vous devrez cotiser vous-même à la Sécurité Sociale des travailleurs indépendants, Et là, il n’y a pas de « part patronale », c’est vous qui payerez la totalité des cotisations et ça vous coûtera les yeux de la tête. Si vous ne le faites pas, vous êtes dans l’illégalité. Les organismes de sécurité sociale peuvent contrôler.

La riposte

Donc, même tactique que pour I’Agessa : alertez ou faites alerter I’Urssaf et le service d’immatriculation de la Sécurité Sociale. Vous contribuerez à renflouer ses caisses, vous ferez œuvre morale. vous ne tomberez pas dans le piège.

Vous pouvez aussi porter plainte en justice. En mai 2018, un journaliste de Biba à qui on avait demandé d’être auto-entrepreneur a obtenu gain de cause : Mondadori a été condamné en Cassation.

Journalisme ou pas ?

L’autoentreprenariat pour le journalisme, c’est interdit. La loi exclut les métiers de l’information du champ de l’autoentreprenariat. Les entreprises qui le pratiquent s’exposent à un contrôle de l’Urssaf. Que tout un chacun a le droit de prévenir de telles malversations…

Pour rappel, une action intersyndicale est en cours auprès du ministère sur ce sujet de l’autoentreprenariat.

Créer son autoentreprise pour faire tout autre chose que du journalisme, du moment que c’est en dehors des métiers incompatibles selon la loi (relations publiques, agence de publicité ou de communication) et que le fruit de cette activité ne dépasse pas 50% de vos revenus, c’est possible.


Correspondant local de presse

Ils sont 33.000. Dans les quotidiens de province, secrétaires de mairie, retraités, commerçants ou artisans, salariés à petit temps partiel, transmettent au journal les petites informations de leur commune ou de leur quartier. Les CLP sont payés en honoraires et ont un statut spécifique, notamment vis-à-vis de l’Urssaf.

Ces correspondants locaux de presse (CLP) ne sont pas journalistes. Ce sont de simples informateurs. Cela signifie que le journal ne doit jamais les envoyer en reportage, surtout pas en dehors de leur zone de résidence, et que leur copie doit obligatoirement passer entre les mains d’un journaliste.

Cependant, estimant que leur statut est souvent en contradiction avec leur pratique réelle, la CCIJP a inscrit dans son vade-mecum interne qu’il n’était pas rédhibitoire pour l’obtention de la carte de presse.

Un statut défini par la loi

Loi n°87-39 du 27 janvier 1987 dans son article 10 modifié par loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015-art 29 portant sur les dispositions relatives à la protection sociale.

I. – Le correspondant local de la presse régionale ou départementale contribue, selon le déroulement de l’actualité, à la collecte de toute information de proximité relative à une zone géographique déterminée ou à une activité sociale particulière pour le compte d’une entreprise éditrice.

Cette contribution consiste en l’apport d’informations soumises avant une éventuelle publication à la vérification ou à la mise en forme préalable par un journaliste professionnel.

Le correspondant local de la presse régionale et départementale est un travailleur indépendant et ne relève pas au titre de cette activité du 16° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale ni de l’article L. 761-2 du code du travail.

II. – Lorsque le revenu tiré de leur activité n’excède pas 15 %du plafond annuel de la sécurité sociale, les correspondants locaux de la presse régionale et départementale visés au I ne sont affiliés au régime de sécurité sociale dont relèvent les travailleurs indépendants que s’ils le demandent.

III. – Lorsque le revenu tiré de leur activité reste inférieur à 25 % du plafond mentionné au II, les correspondants locaux de la presse régionale et départementale visés au II bénéficient d’un abattement de 50 % pris en charge par l’État sur leurs cotisations d’assurance maladie-maternité et d’assurance vieillesse.

A quoi cotisent les CLP ?

Le rattachement des CLP au régime des non-salariés est la règle. L’activité de correspondant étant rattachée aux professions libérales, l’Urssaf est le centre de formalités des entreprises (CFE) compétent. Le correspondant devra se faire connaître à l’Urssaf dans les 8 jours suivant son début d’activité. L’Urssaf se chargera d’informer les caisses maladie et vieillesse. Toutefois l’immatriculation n’est pas obligatoire pour les correspondants dont les revenus nets tirés de l’activité sont inférieurs à 15% du plafond annuel de Sécurité sociale en vigueur.

Assurances maladie-maternité et vieillesse – L’affiliation à ces régimes des non-salariés est facultative si les revenus de l’année précédente n’excèdent pas 15% du plafond annuel de Sécurité sociale en vigueur l’année d’appel des cotisations (3 218 € par mois en 2016). Au- delà de ce seuil, l’affiliation à ces régimes est obligatoire. Toutefois, l’État prend en charge la moitié des cotisations (maladie et vieillesse) si le revenu annuel est inférieur à 25% du plafond annuel de Sécurité sociale.

Cotisations sociales – En début d’activité le correspondant local est dispensé du versement de ses cotisations pendant les deux premières années d’activité. Les règles de droit commun sont appliquées à compter de la troisième année d’activité.

Plafond de rémunérations non soumises à cotisation : 15% du plafond de la Sécurité sociale (base janvier 2016), soit 5792,4€/ an, 482,7€/mois, 26,55€/jour, 3,6€/heure.

La multiplication des faux CLP

En revanche, la dérégulation aidant, on a vu fleurir, depuis une quinzaine d’années, les faux CLP, qui devraient en fait être pigistes. Par manque de visibilité dans les médias, ces tâcherons de l’ombre, sans qui l’information de proximité ne serait pas recueillie, se font rarement entendre par voie de justice. Leur cas est jugé suffisamment sérieux pour que désormais la CCIJP étudie les dossiers de demande des CLP pour démêler les vrais des faux.

Quand un CLP peut-il envisager une requalification de son statut en journaliste salarié ?

– lorsqu’il travaille au sein d’une rédaction, avec par exemple son bureau, des horaires, une rémunération au forfait

– lorsqu’il y a lien de subordination, contraire au principe d’indépendance du CLP (horaires imposés, consignes…)

– lorsqu’il remplit les conditions prévues par la loi : le journaliste professionnel est celui qui « a pour occupation principale, régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ». Et qu’il peut donc en apporter la preuve via des revenus conséquents et réguliers et des extraits de sa production.

Une victoire récente

D’octobre 2012 à novembre 2014, un CLP de La Charente Libre, Jason Herbert, a effectué un travail de journaliste à temps complet pour le site web du journal (rubrique geek, rédaction leweek-end, dépêches AFP, page Facebook du journal…). Soutenu par la CFDT, il a saisi les prudhommes. Mi-octobre 2015, le conseil des prud’hommes d’Angoulême a estimé qu’il avait en fait bien occupé un emploi de journaliste, qu’il aurait dû être salarié, et donc que son éviction était un licenciement.


CDD d’usage, CDD à répétition, intermittence

Répétons-le : Le CDI est « la forme normale et générale de la relation de travail » (L. 1221-2 alinéa 1er du Code du Travail). La pige est un CDI !

CDD à répétition

Comme dans les autres secteurs, la presse voit exploser l’embauche en contrat à durée déterminée.

Multi-employeurs, le journaliste en CDD est parfois assimilé à un pigiste dans les statistiques, notamment celle de la commission de la carte de presse.

Mais ses conditions de travail sont bien différentes. Sauf cas exceptionnel, on ne choisit pas de travailler en CDD, alors qu’à la pige, oui, cela arrive. Les entreprises abusent généralement de ce type de contrat bien qu’il soit légèrement surtaxé. Ses motifs sont pourtant bien cadrés par la loi (remplacement, surcroît d’activité, attente de pourvoi de poste…).

L’article L1242-1 du Code du travail précise ainsi : « Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. »

De plus, l’article 17 de la convention collective des journalistes stipule que « Un journaliste professionnel ne peut être embauché avec un contrat à durée déterminée que pour une mission temporaire dont la nature et la durée doivent être définies lors de l’embauche. … ».

Si vous comprenez que vous êtes embauché sur un poste qui est vacant depuis un certain temps et qui n’a pas vocation à être supprimé à court terme, prévenez vos délégués du personnel. S’il y a abus manifeste, les élus du personnel peuvent désormais saisir les prudhommes eux-mêmes, ce qui permet au premier intéressé de rester en retrait.

L’avantage des CDD, par rapport aux pigistes, c’est qu’ils sont intégrés à une rédaction et peuvent plus facilement prendre contact avec leurs pairs ou les élus pour se renseigner sur leurs droits.

Quand on est en CDD, sauf à ce qu’il soit très court, c’est plus aisé d’accéder aux mêmes prestations sociales que les CDI (mutuelle, tickets restaurants, aide au logement, etc). Là encore, renseignez-vous auprès de vos élus pour vérifier que rien ne vous échappe.

L’inconvénient -même si c’est pour la bonne cause- c’est qu’une entreprise ne peut, légalement, multiplier les CDD pour une même personne. L’idée du législateur est de forcer les employeurs à la cohérence : si vous avez besoin de cette personne plusieurs fois de suite, c’est que vous en avez besoin en CDI… Mais sur le terrain, hélas, ça fonctionne rarement comme ça et, pour se prémunir de recours auprès des prudhommes, les entreprises remercient les journalistes en CDD après 18 mois, voire 24 mois de bons et loyaux services. D’où ce sentiment, très désagréable, d’être « jetable ».

Il faut aussi veiller à son niveau de salaire. L’ancienneté joue. Et les élus du eprosnnel peuvent peser auprès des directions pour que les CDD aient des salaires dévantage valorisés, notamment quand ils font des remplacements sur des postes à responsabilité particulière.

CDD d’usage

Le recours à ce type de contrat est strictement encadré par la loi et n’est pas possible a priori pour les journalistes.

L’article L. 1242-2 3° du Code du travail précise que le CDD d’usage est réservé aux emplois pour lesquels il existe « un usage constant de ne pas recourir au CDI ». Or le contrat à durée indéterminé du pigiste est bien le contrat classique et courant qui le lie à l’entreprise ou aux entreprises de presse d’une manière générale. Le contrat d’usage n’est pas dans … l’usage de la profession. Le même texte indique que l’emploi occupé doit présenter un « caractère par nature temporaire ».

Or, le métier de journaliste n’est pas lié à une activité temporaire par nature et la fourniture d’articles pour un support de presse fait partie de l’activité normale de celle-ci. Une entreprise qui édite des journaux a bien pour objet permanent de produire des journaux. Une chaîne de télévision qui fait de l’info a bien pour objet permanent de produire de l’info. C’est différent quand une entreprise qui n’est pas un média fait appel ponctuellement à un journaliste ou qd un média fait appel à un non journaliste pour une mission ponctuelle, ou bien encore à un journaliste mais pour un concept one-shot.

Concernant l’audiovisuel, certes certains entreprises de l’audiovisuel sont autorisées à recourir au CDDU mais seulement pour certaines activités et certains métiers. L’Accord professionnel national  « Branche de la télédiffusion, salariés employés sous contrat à durée déterminée d’usage » (2006) ne s’applique qu’aux personnes exerçant un métier figurant dans les listes 1 et 2 du titre IV de cet accord, et où ne figurent pas les journalistes. Son article 1.1 dit d’ailleurs explicitement qu’en sont exclus les « salariés relevant de la convention collective nationale des journalistes ».

Attention, il arrive que des médias rémunèrent leurs pigistes en CDDU sans même qu’ils le sachent ! Ils ne leur font pas signer de contrat ! Or, comme tout autre CDD, le CDD d’usage « doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée » (Article L.1242-12 du Code du Travail).

Aux employeurs peu scrupuleux, il peut être rappelé que :

– en application de l’article L.1248-1 du Code du travail, le recours abusif au CDD d’usage est pénalement sanctionné d’une amende de 3.750 € ou 7.500 € et six mois d’emprisonnement en cas de récidive.

– En cas de requalification du CDD d’usage en CDI (L. 1245-1 du Code du travail), le salarié peut prétendre à une indemnité de requalification au moins égale à un mois de salaire, aux indemnités de rupture (préavis, congés payés, indemnité de licenciement), à un éventuel rappel de salaire si la requalification entraîne un nouveau calcul de l’ancienneté et à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Avec plus de 2 ans d’ancienneté et dans une entreprise d’au moins 11 salariés, l’intéressé peut prétendre à une indemnité au moins égale aux salaires des 6 derniers mois (article L.1235-3 du Code du travail).

– Le recours massif aux CDD d’usage par l’audiovisuel public a été l’objet de nombreux arrêts de cours d’appel ordonnant leur requalification en CDI, cf Montpellier, 24 février 2016 par exemple ou Rennes, 28 juin 2017. La cour de cassation a également tranché à plusieurs reprises en rappelant que l’employeur doit démontrer que le « recours à l’utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi » (Cass. soc., 23 janvier 2008, n°06-43040 et 06-44197 ; Cass.soc., 26 mai 2010, n°08-43050 ; Cass.soc., 24 juin 2015, n°13-26631).