Prendre une clause de cession

Quand une entreprise de presse est rachetée par une autre, ses journalistes à la pige réguliers ont aussi droit à la clause de cession.

Ce type de départ est défini pour tous les journalistes à l’article L7112-5 du code du travail. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006904521

« Si la rupture du contrat de travail survient à l’initiative du journaliste professionnel, les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 sont applicables, lorsque cette rupture est motivée par l’une des circonstances suivantes : 1° Cession du journal ou du périodique ; 2° Cessation de la publication du journal ou périodique pour quelque cause que ce soit ; 3° Changement notable dans le caractère ou l’orientation du journal ou périodique si ce changement crée, pour le salarié, une situation de nature à porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou, d’une manière générale, à ses intérêts moraux. Dans ces cas, le salarié qui rompt le contrat n’est pas tenu d’observer la durée du préavis prévue à l’article L. 7112-2. »

Ces dispositions applicables sont celles d’un licenciement, soit : l’indemnité de licenciement et une indemnisation par Pôle emploi.

Qu’est-ce qu’un pigiste régulier ?

Il n’y a pas de définition juridique. Cela varie selon les entreprises de presse. Lorsqu’une clause est ouverte, un accord d’entreprise définit les conditions d’éligibilité des pigistes. Cela est l’objet de négociations avec les syndicats, comme par exemple chez Prisma Média en 2021. Clause de cession : négo en cours pour les pigistes du groupe Prisma

A noter – Un arrêt de la Cour de cassation du 6 février 2001 estime que le bénéfice des dispositions de l’article L7112-2 du Code du travail sur la clause de cession est réservé aux journalistes qui travaillent dans des « entreprises de journaux et périodiques » à l’exclusion de ceux qui sont employés par des agences de presse.

Le calcul de l’indemnité, comme pour un licenciement, doit se faire sur les 12 ou 24 derniers mois travaillés (le plus favorable).

Quelle est la durée d’une clause de cession ?

Lorsque l’entreprise de presse ouvre le droit à une clause de cession, elle le fait généralement pour une durée limitée. Ainsi, 18 mois furent observés à Prisma. Dans d’autres cas passés, certains groupes jouaient la pression en limitant la clause à 6 mois, juillet et août inclus ! Pourtant, la loi ne précise pas de durée. Par ailleurs, une jurisprudence constante souligne que cette clause de cession peut être invoquée sans délai après la cession.

Pour autant, le délai est-il illimité ? L’avocat spécialiste de la presse, Vianney Feraud, évoque ce point dans son blog.

Sa conclusion : il est raisonnable de s’aligner sur le Code Civil qui prescrit un délai de 5 ans.

Ce délai est utile aux syndicats pour négocier. Cependant, une fois la négociation achevée, le journaliste (permanent ou pigiste) a intérêt à prendre sa clause dans le délai négocié. Sauf à aller la réclamer  aux Prud’hommes si l’entreprise lui en refuse le bénéfice au-delà du délai convenu. Une démarche coûteuse en temps et en argent, d’autant que les Prud’hommes n’accordent généralement que l’indemnité due (il n’y a pas ici de licenciement abusif, donc pas d’indemnités à ce titre).

ATTENTION – On a longtemps dit que la clause de cession ne s’appliquait pas aux agences de presse, en raison de la rédaction de l’article de loi qui ne les cite pas. Depuis une jurisprudence de 2020, il est acté que la clause s’applique aussi à celles-ci. Lire détails ci-après.

 

L’article L 7112-5 qui concerne la clause de cession, de conscience et de cessation est une extension des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 qui eux concernent le licenciement des journalistes et le recours à la Commission arbitrale. Or en 2020, au sujet d’un licenciement de journaliste de l’AFP, à qui l’AFP ne voulait pas accorder les indemnités de la Convention collective du fait que l’AFP est une agence, la Cour de Cassation a établi :  » Il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. Les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail sont applicables aux journalistes professionnels au service d’une entreprise de presse quelle qu’elle soit. »
L’article L7112-5 doit donc lui aussi concerner toutes les entreprises de presse et pas seulement les journaux et périodiques.
Lire l’arrêt de la Cour de Cassation :
https://www.courdecassation.fr/decision/5fca32299c3644b39432cdb2?search_api_fulltext=19-12.885&previousdecisionpage=&previousdecisionindex=&nextdecisionpage=&nextdecisionindex=
Lire la note explicative ici : https://www.courdecassation.fr/getattacheddoc/5fca32299c3644b39432cdb2/0ea1c6217a423e0277f2d147222f55bc