Suis-je vraiment pigiste ?

 

Je n’ai pas la carte de presse.
Puis-je quand-même être salarié ? 

Oui. La carte de presse n’est pas obligatoire. Elle n’est qu’un moyen parmi d’autres de prouver votre qualité de journaliste. Elle permet, dit la loi, « de se prévaloir de la qualité de journaliste soit à l’occasion de l’établissement d’un passeport ou de tout autre acte administratif, soit en vue de bénéficier des dispositions prises en faveur des représentants de la presse par les autorités administratives ». Mais, ajoute la jurisprudence constante de la cour de cassation et du conseil d’Etat, elle n’a aucune incidence sur les relations entre le journaliste et son employeur.

Mais, bien entendu, si vous n’avez pas la carte de presse, il se peut que I’employeur vous demande de prouver par d’autres moyens votre qualité de journaliste professionnel (par exemple en produisant votre déclaration de revenus prouvant que le journalisme est bien votre « activité principale, régulière et rétribuée »).

Sachez donc que, si tel ou tel journal exige la possession de la carte de presse pour vous faire bénéficier du statut de salarié et des avantages de la convention collective des journalistes, vous pouvez protester. En revanche, l’ancienneté dans la carte permet, depuis le protocole d’accord pigiste de 2008, de voir ses piges majorées de 5% à partir de 5 ans de carte (10% pour 10 ans, etc)

Cela dit, l’entreprise a l’obligation de « ne pas employer plus de trois mois des journalistes professionnels qui ne seraient pas titulaires de la carte professionnelle ou pour laquelle cette carte n’aurait pas été demandée ».

Demandez donc cette carte dès que vos revenus permettent de respecter ses critères.

Beaucoup de pigistes de disent et se sentent indépendants

Beaucoup d’aspects de la pige sont similaires à d’autres professions indépendantes. Attention cependant à ne pas employer ce terme dans un cadre professionnel, car il est erroné. On peut se sentir indépendant d’une rédaction, proposer des sujets en toute liberté, avoir l’impression de pouvoir exercer son métier avec la plus grande liberté intellectuelle, mais légalement, la publication est toujours responsable des productions qu’elle publie, et peut agir dessus. Même quand c’est le pigiste qui propose un sujet, démarche une rédaction, il existe bien un lien de subordination dès lors que c’est le journal qui accepte votre proposition et qui précise ses exigences sur le lignage, etc. Ce serait éventuellement au patron de faire la preuve du contraire !

Un journaliste n’est donc jamais indépendant, et il ne cotise pas aux caisses des indépendants. Quand on vous demande de cocher une case dans un document administratif (CAF, …), cochez bien salarié et non indépendant ou profession libérale. Et si on vous demande les coordonnées de votre employeur, indiquez celui avec qui vous gagnez le plus.

Je ne suis pas journaliste et je collabore parfois à un journal. Suis-je pigiste ?

Vous êtes grand professeur, grande voyante ou grand criminel. Vous ne tirez pas vos revenus principaux de la presse. Pourtant, à l’occasion, vous aimez prier un journal d’insérer vos réflexions, ou bien c’est le journal qui vous demande une tribune, ou une contribution libre sur votre spécialité.

S’il n’y a pas de lien de subordination. C’est-à-dire s’il s’agit d’une tribune libre ou quelque chose d’équivalent, le journal peut considérer qu’il n’y a pas contrat de travail. Vous serez alors rétribué en droits d’auteur. Système peu coûteux en charges sociales que certains employeurs étendent abusivement aux journalistes.

Cependant, même si vous avez une autre profession principale, vous devrez être considéré comme salarié si le journal vous demande un travail que vous effectuerez en lien de subordination.

N’étant pas journaliste professionnel, vous ne bénéficierez pas des avantages de la convention collective, mais vous aurez tous les autres droits des salariés (congés payés notamment).

Non journaliste, je tiens une rubrique dans un journal

Le professeur qui assure régulièrement la critique de cinéma, l’étudiant en lettres qui se tape la tournée des commissariats tous les week-ends, c’est interdit, même sous forme de piges. Pourquoi interdit ? peut-on préciser les fondements ?

La convention collective est formelle : rien n’empêche la collaboration de personnalités du monde politique, littéraire, scientifique, technique, etc. sous la signature ou le pseudonyme de I’auteur ou sous la responsabilité de la direction du journal ou du média. Le distingo avec le professeur du début n’est pas très clair je trouve. Mais, en aucun cas, ces personnalités ne doivent tenir un emploi salarié tu veux dire rémunéré ? donc ok en bénévolat ? qui pourrait être assuré par un journaliste professionnel.

Or, un travail régulier de pigiste, c’est un emploi salarié.

De toute façon, répétons-le, une telle collaboration régulière, quand elle existe pour un domaine très spécialisé, doit être rétribuée en salaire, puisqu’il y a lien de subordination (date de remise, style à respecter, longueur), et non en droits d’auteur. Les journalistes seront ainsi moins concurrencés et la Sécurité sociale, moins spoliée.

Je suis journaliste, mais je propose aussi des œuvres d’auteur (conte, illustration…) pour le même employeur. Doit-il me rémunérer pour ces travaux différents de deux façons différentes, l’une en salaire l’autre en droits d’auteur ?

Depuis 2013 (source ?), la Sécurité Sociale, dès lors que quelqu’un travaille comme journaliste pour un employeur, exige que cet employeur le paye en salaire pour toutes ses activités, même d’auteur, et même si le travail d’auteur est minoritaire. Certains journaux se sont déjà faits redresser pour défaut de cotisation dans ce cas là.

Je suis journaliste embauché à temps complet. Puis-je faire des piges par ailleurs ?

Le code du travail prévoit que nul salarié ne travaille plus d’un temps complet. Il peut cumuler plusieurs emplois, par exemple un mi-temps de journalistes et des piges à côté, mais la durée maximale légale de travail est de 10 heures par jour et 48 heures par semaine. Certes, pour un journaliste, ces horaires sont très théoriques, mais selon ce principe, un journaliste « en pied » n’est pas sensé avoir le droit de piger à côté. C’est une question légale, mais aussi morale : dans un pays qui compte tant de chômeurs, où les jeunes journalistes peinent tant à trouver leur place, ceux qui ont déjà un emploi leur suffisant amplement pour ouvrir peuvent laisser du travail pour les autres.