Etats généraux du droit à l’information en septembre : la lutte contre la précarité, combat prioritaire pour la CFDT

Le 25 juillet, la CFDT-Journalistes, le syndicat CFDT de l’édition (SNLE) et la fédération F3C-CFDT qui chapeaute toute l’action syndicale dans le champ de l’information, ont écrit aux organisateurs des États généraux du droit à l’information, et au Ministre du Travail. La lutte contre la précarité et le respect des droits des pigistes comme combat prioritaire.

Madame la Ministre, messieurs les président et délégué général,

La tenue des États généraux du droit à l’information est imminente. Les organisations syndicales représentatives de salariés des entreprises du champ de l’information n’ont pas été conviées au travail de conception de cet événement majeur. Nous ne doutons cependant pas que nous y serons étroitement associés, et venons par la présente vous exprimer nos attentes.

La CFDT Journalistes, organisation syndicale représentative des journalistes en France, le SNLE-CFDT, syndicat majoritaire représentant les salariés de l’édition de livres et la F3C-CFDT, fédération qui regroupe tous les syndicats CFDT dont le champ couvre l’information et l’édition accueillent cet événement avec la satisfaction de voir le sujet qui nous anime, professionnellement et syndicalement, c’est-à-dire l’enjeu de la qualité de l’information, pris très au sérieux au plus haut niveau de l’Etat. Indépendance, lutte contre les fake news, confiance du public sont les boussoles de notre action. La F3C-CFDT fut d’ailleurs à l’origine de la création du CCP Éduquer aux médias et à l’information au sein de la CPNEF de l’audiovisuel.

Nous souhaitons être à la table des discussions pour tous ces sujets et avons des propositions précises pour contribuer à garantir l’indépendance des journalistes et des éditeurs de livres, faire progresser l’éducation aux médias, etc. Non seulement en tant que représentants des salariés des entreprises de presse écrite, audiovisuelle et numérique, mais aussi en tant que représentants des salariés de l’édition. La concentration des médias a aussi pour effet de faire peser des menaces sur les sorties et contenus de livres, et l’on sait combien le livre d’enquête journalistique, de photojournalisme, ou encore la BD de reportage et les essais, contribuent à informer le public. Le livre jeunesse et le livre scolaire et universitaire jouent un rôle essentiel dans la formation des jeunes citoyens et doivent être tout autant protégés de toute ingérence extérieure. L’indépendance de la presse (notamment via le droit d’agrément) comme des services éditoriaux des maisons d’édition doivent être au cœur des discussions de ces Etats généraux de l’information.

Le sujet social n’étant généralement pas abordé dans les communications annonçant les États généraux, nous souhaitons qu’il figure à son ordre du jour. En effet le droit à l’information est indissociable des droits sociaux des producteurs de cette information : en premier lieu les journalistes, mais également l’ensemble des salariés des entreprises concernées.

Lors des États généraux de la formation et de l’emploi des jeunes journalistes des 3 et 4 octobre 2022, la précarité est apparue comme la préoccupation première des entrants dans la profession de journaliste. Celle-ci est même devenue structurelle dans certains pans du paysage des entreprises de presse écrite, audiovisuelle ou numérique.

Nous négocions toute l’année pour relever les salaires et améliorer les conditions de travail, dans le cadre d’un dialogue social difficile. Nous butons sur une difficulté particulière, et particulièrement inacceptable : le non-respect éhonté du droit du travail. Selon nous, il s’agit de la cause première de précarité. Un certain nombre d’entreprises fort connues bafouent la présomption de salariat : elles rémunèrent leurs journalistes non permanents en factures, droits d’auteur ou CLP, privant les intéressés de leurs droits sociaux et deleur place en entreprise. La plupart du temps c’est une double peine, car ces statuts illégaux s’assortissent de niveaux de rémunération très faibles, échappant aux minima conventionnels de branche. Cette situation se retrouve dans l’édition de livres avec le recours abusif aux freelances. Bon nombre de ceux qui respectent le salariat utilisent tous les subterfuges pour abuser des contrats courts – CDD ou CDDU d’un jour et à répétition, en tête des pratiques – mais aussi pour ne pas appliquer les dispositions de la convention collective des journalistes.

Nous vous adressons donc une demande simple et de bon sens : mettre au programme des États généraux du droit à l’information la question du respect du droit du travail dans les entreprises de presse écrite et audiovisuelle et dans les entreprises d’édition, et en y invitant des représentants du ministère du Travail, sans le concours duquel ce chantier ne pourra pas progresser. Nous avons besoin des soutiens conjugués des ministères de la Culture et du Travail face aux employeurs sans scrupule. Il faut davantage de contrôles et de moyens pour les agents de l’État en charge de ces contrôles.

Le respect du droit du travail est une condition nécessaire à la liberté de la presse, à l’édition de livres et à la déontologie.

Outre réfléchir aux façons de mieux faire appliquer le droit existant, il faudra aussi que ces États généraux ouvrent des chantiers nouveaux. Vous trouverez en annexe les 6 revendications de la CFDT-Journalistes développées au moment des dernières présidentielles. Elles restent totalement d’actualité.

Parmi celles-ci, notre revendication d’un SMIC journalistes à 2000€ brut, alors que les grilles de salaires des journalistes, dans la plupart des branches, démarrent au SMIC ou à peine plus haut, ce qui n’est pas admissible alors que la formation et l’exercice du métier de journaliste reste très exigeants.

Durcir les peines des auteurs de violences contre les journalistes s’impose également, alors qu’étonnamment les journalistes ne font toujours pas partie de la liste des personnes et fonctions entraînant des circonstances aggravantes.

Les États généraux ne devront pas oublier les problèmes « de niche », qui, parce qu’ils concernent de faibles effectifs, sont sans cesse renvoyés à plus tard. Ce sera le moment de s’atteler enfin à la création d’un statut pour les correspondants à l’étranger de médias français, à la pige. Pour eux, il est impératif de réfléchir à une évolution réglementaire qui assure leur protection sociale et des filets sécurité en cas d’incidents ou au retour, dans un monde instable et où il n’est pas acceptable de faire peser les risques sur les producteurs de l’information. Réformer le statut des contributeurs de l’AFP, modifier le code de la sécurité sociale, est faisable à court terme. Ils ne comprendraient pas d’être encore les oubliés.

Il conviendra également d’aborder la question de la création d’un statut d’éditeur de livres professionnel, aligné sur celui de journaliste professionnel, pour garantir l’indépendance de ce métier.

Vous remerciant de l’attention que vous porterez à notre requête, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, messieurs les président et délégué général des États généraux du droit à l’information, l’expression de notre plus haute considération.

Pour la CFDT-Journalistes, Elise Descamps, Secrétaire générale 

Pour le SNLE-CFDT, Martine Prosper, Secrétaire générale 

Pour la F3C-CFDT, Christophe Pauly, Secrétaire national

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